«Qu’est-ce qu’un résistant ? S’interroge François-George Dreyfus dans son Histoire de la résistance. Le combattant, l’agent de renseignement, les maquisards, le scout qui « explore » les abords d’un tunnel routier ou ferré, les lycéens qui substituent le portrait de Darlan à celui du Maréchal après le 8 novembre 1942, le couple de fermiers qui ravitaillent le maquis, les personnes qui hébergent des aviateurs anglo-américains dont l’avion a été abattu, la famille ou le religieux qui cache des juifs ou des personnes évadées, le gendarme qui « arrange » un rapport ou prépare de faux papiers, ou organise des filières de renseignement ou d’évasion. »

Voilà les nombreux visages des Résistants que nous célébrons aujourd’hui.
Le 19 juillet 2013, l'Assemblée nationale adopte, à l'unanimité, une proposition de loi instaurant le 27 mai comme Journée nationale de la Résistance.
Le 27 mai c’est le symbole de l’union. L’union des Français sans distinction, transcendés par une même cause : résister.
Le 27 mai 1943, c’est la première réunion du Conseil National de la Résistance à Paris, 48 rue du Four, autour de Jean Moulin et son projet d’unification et coordination de la Résistance en France.

Après la Libération, le programme d'action de la Résistance, baptisé « Les jours heureux », prévoit des réformes économiques, sociales et politiques, qui posent les bases du modèle social français et du préambule de la Constitution de la IVème République.
Ainsi notre France porte toujours en elle les valeurs de la Résistance : le courage, la défense de la République, le souci de la Justice, de la solidarité, de la tolérance et du respect d’autrui. Valeurs toujours fondamentales dans notre droit actuel.

En France, la Résistance de la Seconde Guerre mondiale se construit en réaction à l'occupation étrangère et la lutte pour l'indépendance nationale, principale motivation chez la majorité des Résistants. Une lutte politique et morale contre le nazisme, la déportation et ses conséquences. Une lutte qui transcende ceux qui la mènent.
On compte 266 réseaux de résistance français dont le nombre de membres varie tout au long de la guerre en croissant avec l’espoir de liberté.
Dès 1940 et l’étrange défaite, comme l’appelle Marc Bloch, ils sont nombreux à risquer leur vie pour défendre leur pays.

Comme l’écrivit Joseph Kessel, dans L’armée des ombres : « Ces gens auraient pu se tenir tranquilles. Rien ne les forçait à l’action. La sagesse, le bon sens leur conseillait de manger et de dormir à l’ombre des baïonnettes allemandes et de voir fructifier leurs affaires, sourire leurs femmes, grandir leurs enfants. Les biens matériels et les liens de la tendresse étroite leur étaient ainsi assurés. Ils avaient même, pour apaiser et bercer leur conscience, la bénédiction du vieillard de Vichy. Vraiment, rien ne les forçait au combat, rien que leur âme libre. »

La guerre a été témoin de mille façons de résister : du renseignement, du marché noir, du refus d’obéir aux maquis, sabotages et attaques militaires en passant par la protection, l’aide et la dissimulation des victimes du nazisme…
Résistance est un nom qui se pare désormais d’une majuscule pour désigner la lutte menée contre le nazisme ses exactions, son occupation et sa violence faite à la Nation française.
Résistance, un nom qui s’écrit, se lit, se dit au féminin. Un hommage à toutes ces Françaises, qui ont résisté, plus nombreuses que les hommes.

Il y a sept ans, le 27 mai 2014, le Sénat, célébrait la mémoire de ces « combattantes de l’ombre» et inaugurait une plaque en hommage aux sénatrices issues de la Résistance.

« Nous n’étions pas des citoyennes à part entière, nous n’avions pas le droit de vote, il faut toujours le rappeler, mais nous avions une conscience politique et nous avons lutté contre l’oppression nazie, pour la patrie et les valeurs républicaines de liberté, de justice, de fraternité. » Cette phrase de Marie-José CHOMBART de LAUWE, présidente de la Fondation pour la mémoire de la déportation et survivante de Ravensbrück, gravée sur la plaque installée à l’entrée de l’hémicycle, rappelle le sacrifice de femmes qui ont risqué leur vie pour leur pays alors qu’elles n’avaient pas les mêmes droits que les hommes. Elles ont lutté sans relâche pour défendre les valeurs de la France, pour elles, pour leurs fils, leurs filles, pour nous.

Les actions menées par la Résistance ont prouvé au monde entier qu’il est toujours possible de s’opposer au mal, même quand il est illégal et dangereux de le faire, qu’il s’installe chez nous ou qu’il nous prive de toute liberté. Il est toujours un espace où la résistance peut vivre. Elle trouve toujours un moyen de survivre, dans un maquis, dans une lettre, dans un message radio, dans une main tendue, dans le cœur et dans l’esprit de ses enfants. La résistance est une âme.
Elle brille chez ces hommes et ces femmes de l’ombre prêts à endurer tous les sacrifices pour une cause qui les dépassait.

Jean-Michel Ribes définissait la Résistance comme un mot inventé pour éviter aux hommes de vivre à genoux.
Les résistants ont aidé les agenouillés à se redresser. Ils ont permis à la France de se relever.
Non, la Résistance n’était pas naturelle pour tous. Moins de 3% de la population française l’ont embrassée.
Mais elle constituait un devoir pour beaucoup et s’est développée grâce à de multiples complicités populaires.
Un devoir envers les valeurs qui nous sont chères : la Liberté, l’Egalité, la Fraternité.

De ces valeurs d’autres en découlent, et c’est à cette époque que la solidarité prend tout son sens, sauvant de Vichy, des collaborationnistes, de la folie et du nazisme de nombreuses vies.
La guerre qu’ils ont été appelés à subir et à mener fut celle des idées. Ils avaient à défendre la liberté de leurs esprits, leurs conceptions du monde et de la vie.
Les résistants se sont réunis autour de Jean Moulin il y a 78 ans, pour former le Conseil national de la Résistance puis autour de Jacques Bingen quelques mois plus tard, créant alors les Forces françaises de l’Intérieur.
Mais ce processus d’unification fut difficile.

Quand le général de Gaulle appelle le 18 juin 1940 les Français à le rejoindre à Londres pour allumer ce qu’il appelle « la flamme de la résistance française », les armées françaises viennent de cesser le combat et les Français apprennent à vivre sous l’Occupation, encore abasourdis par la défaite.
Ils font confiance au Maréchal Pétain.

La résistance intérieure ne s’est pas formée d’un seul corps dès cet appel. Les résistants veulent d’abord se battre contre l’Allemagne qui a envahi et battu la France, plus que contre le nazisme qu’ils ne connaissent pas ou guère, moins encore contre Vichy et le Maréchal.

L’historien François-George Dreyfus rappelle que : « La population ne semble pas avoir réalisé les conséquences de la défaite. Le souci de vivre prédomine ; les salles de spectacle et les cafés connaissent l’affluence ordinaire » laissant « même croire qu’ils accepteraient le démembrement de la France avec une facilité insoupçonnée »
Ce qui souligne d’autant plus le mérite et la force de caractère des résistants de la première heure.

Jean Moulin, préfet d'Eure-et-Loir au moment de l'invasion, est de ceux-là. En octobre 1941, il part pour Londres quérir l’aide du Général De Gaulle en vue de développer la résistance intérieure. Parachuté sur le sol français le 2 janvier 1942 il organisera et unifiera la résistance intérieure jusqu’à sa mort. La Résistance intérieure se forme peu à peu à l'initiative de personnalités isolées puis du regroupement de plusieurs mouvements d’abord militaires puis démocrates-chrétiens, journalistes et étudiants, avant de prendre un nouveau départ au milieu de l’année 1941, après l'invasion de l'URSS par la Wehrmacht.
Alors que jusque-là ils refusaient de participer aux actions dirigées contre l’occupant en raison du pacte de non-agression passé entre Staline et Hitler, les communistes français créent leurs propres réseaux afin d’affronter frontalement l’ennemi. Les attentats se multiplient et les Allemands y répondent par des exécutions massives. Ainsi les occupants se coupent de la population française qui se radicalise, d'un côté comme de l'autre. Les dénonciations anonymes à la police française ou à la Gestapo, se multiplient.

Le 11 novembre 1942, les troupes allemandes entrent dans la zone sud jusque-là administrée par le gouvernement de Vichy : dès lors, tous les Français vivent sous l’occupation.
Le 26 janvier 1943, les trois principaux mouvements de résistance de l'ex-zone Sud : Combat, Franc-tireur et Libération, se rassemblent. 
L'espoir renaît à la suite des défaites allemandes de El Alamein en Egypte et Stalingrad, les Français reprennent espoir et les mouvements de résistance connaissent une affluence relative.

Les Pisciacais aussi s’engagent dans l’ombre contre l’occupant nazi. Antoinette et Marcel Loubeau, Maguerite Kehren et Geneviève Brousset, Louis Lemelle, Albert Labbé, Fernand Lefèvre, Madeleine Chartier, Georges Constanti, Gérard Bongard, Roland Le Bail, Jean-Claude Mary, Cam Diop, Jean Pochat, Maurice Bercot… tous ces grands noms de Poissy auxquels nous sommes reconnaissants.

« Je ne savais pas que c’était si simple de faire son devoir quand on est en danger » écrivait Jean Moulin.
Arrêté le 21 juin 1943 lors d’un des épisodes les plus dramatiques de la Résistance avec les chefs du Conseil National de la Résistance, il est torturé et meurt lors de son transfert en Allemagne en juillet 1943. Les FFI sont sous le choc, un de leurs leaders emblématiques est tombé au combat, « sans jamais trahir un seul secret, lui qui les savait tous » comme le dit André Malraux.

La résistance française, tant intérieure qu’extérieure participe à la libération de la France aux côtés des Alliés. Une fois les Allemands vaincus et chassés du territoire national, 120 000 FFI continue le combat dans la 1ère armée française du général de Lattre de Tassigny sur le front de l’est.
La Résistance empêche ainsi toute vacance du pouvoir à la Libération, évite au pays toute guerre civile ou administration étrangère, restaure les libertés et constitue un remarquable vivier de renouvellement des élites politiques municipales et nationales.
Pour reprendre un slogan de l’époque : La résistance sert la France.  Je dirais même la Résistance fait la France.

Aujourd’hui nous célébrons ces héros grâce auxquels nous sommes libres. Pour ne pas oublier les valeurs qui les ont portés à la résistance, les valeurs qui fondent la France, qui font la France.
En effet, la France a résisté et elle résiste encore.
Hier face au nazisme, aujourd’hui face à l’extrémisme. Hier au nom de la liberté. Aujourd'hui au nom de la mémoire.
Rien n'est jamais perdu tant que la flamme de la résistance continue de brûler dans le cœur d'un seul homme.
Mais la France est plus forte rassemblée. Pour résister face à toute forme d’extrémisme.

En ce 27 mai 2021, nous continuons le combat mené par ces femmes et ces hommes qui n’étaient parfois que des enfants et qui ont refusé de laisser leur patrie aux mains assassines de l’ennemi sans se battre. Ils se sont battus pour nous, pour la France et nous nous souvenons de leur force irréductible parmi les faibles, de leur courage face à la mort et de patriotisme sans faille face à l’eugénisme.
Tâchons d’être à la hauteur de leur héritage. Et plus que jamais, continuons à défendre avec force et conviction les valeurs de la République.

Vive Poissy,
Vive la République  
Et Vive la France !

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